vendredi 30 mai 2008

Un professeur émérite de théologie de l’Université Laval au sujet du cours d'ECR

Louis O’neill est professeur émérite de théologie de l’Université Laval et fut député Péquiste, ministre des affaires culturelles (1976-1978) et ministre des communications (1976-1979) dans le cabinet de René Lévesque. Vous trouverez l'intégralité de ses propos sur son blog.


SORTIR DE LA BRUME, AVANCER DANS LA CLARTÉ

«Dans le dossier sur la place de l’enseignement religieux en milieu scolaire les évêques du Québec donnent l’impression de naviguer dans la brume. On aimerait bien les suivre, mais on ne sait trop où ils veulent aller. Leur prise de position lors d’une rencontre tenue à Trois-Rivières à la mi-mars ne fait que prolonger l’ambiguïté. Il est pourtant possible d’emprunter un parcours moins alambiqué et plus fructueux.

Résignation et collaboration
En 1997, ceux qui ont assumé la charge de guides spirituels de l’Eglise du Québec ont laissé tomber un droit inscrit dans la Constitution de 1867, confirmé en 1982 et dûment inséré dans la Charte canadienne des droits et libertés( art.29) ; un droit qui garantissait la confessionnalité des établissements scolaires. En 2005, ils ont approuvé le projet de loi 95 qui supprimait l’enseignement religieux à l’école et ont placé leurs espoirs dans le nouveau cours d’éthique et de culture religieuse, croyant y déceler des « orientations prometteuses ». Ils veulent s’en tenir
désormais à une collaboration critique et vigilante avec le pouvoir politique, se permettant à l’occasion d’exprimer leur opinion sur certains aspects du nouveau programme, par exemple la difficile pratique de la neutralité ou encore le manque de préparation des enseignants. Pour le reste, ils s’en remettent au bon vouloir de la ministre de l’Éducation et de sa ténébreuse bureaucratie qui ne cesse de concocter réforme sur réforme.

Les évêques reconnaissent que les parents ont le droit de revendiquer pour leurs enfants un enseignement religieux à l’école et regrettent que ce droit n’ait pas été respecté. Mais ils n’ont pas l’intention de se battre pour qu’il le soit. Ils n’en font pas un casus belli. Puisque le pouvoir politique a décidé de le supprimer, ils se contentent de dire que ça leur fait de la peine. Ils aimeraient néanmoins que la ministre de l’Education accorde un traitement de faveur aux établissements privés en permettant à ceux-ci d’insérer dans l’horaire des périodes d’enseignement religieux. Quant aux jeunes qui fréquentent le réseau public, ils les abandonnent à leur sort. Pour ceux-là, pas de chance d’avoir accès à un cours de culture chrétienne.

Selon les évêques, une orientation prometteuse du nouveau cours, c’est de favoriser le vivre ensemble et l’ouverture aux les autres. Voilà, il est vrai, un objectif fort louable. Mais qu’est-ce donc qui empêchait le cours d’enseignement religieux en vigueur jusqu’ici, dont ils étaient responsables et qu’ils ont approuvé, de poursuivre ce même objectif ? Depuis quand faut-il passer par la neutralité et par le décorticage sociologique du phénomène religieux pour s’ouvrir aux autres ?

On aurait aimé d’autre part qu’ils nous fassent connaître plus explicitement leur opinion sur certains postulats de base qui sous-tendent le nouveau cours, par exemple : la raison pure qui scrute les croyances religieuses et a préséance sur elles ; le relativisme ; le pluralisme normatif ; la posture professionnelle ; le socioconstructivisme. Ces composantes font-elles partie des « orientations prometteuses » ? N’a-t-on pas raison de craindre que cet amalgame douteux n’alimente un vice de fond qui rend illusoires les gains espérés ? Est-il vrai qu’on doive attendre cinq ans avant d’évaluer la validité des fondements idéologiques qui ont inspiré la nouvelle construction pédagogique ?

Les parents inquiets ou mécontents pourront revendiquer le droit d’exemption que leur reconnaît la loi. Mais les évêques estiment qu’on ne doit exercer ce droit qu’avec circonspection et aimeraient plutôt qu’on fasse confiance à l’appareil bureaucratique qui a concocté le nouveau cours. Mais vu que les parents ne peuvent compter sur leurs leaders religieux pour défendre leurs droits, il est bien normal que plusieurs d’entre eux recourent à d’autres moyens à partir du moment où ils estiment que le nouvel enseignement va à l’encontre de leurs convictions. Il apparaît peu élégant, dans une telle conjoncture, de vouloir les dissuader de contester.

Une voie d’avenir
Le cheminement suivi risque de buter sur des écueils. Un journaliste bien au fait de ce dossier prévoit même un spectaculaire cafouillis en septembre 2008, lorsque le nouveau cours deviendra obligatoire pour tous. Car c’est à ce moment que des milliers de parents découvriront qu’ils se sont fait avoir. Pourtant il serait possible d’éviter le gâchis appréhendé.

Il serait souhaitable au départ que les évêques réaffirment avec fermeté et sans équivoque leur attachement à la liberté religieuse, à la liberté de choix et aux droits des parents en éducation. Ce faisant, ils reproduiraient la ligne de conduite que suivent les leaders religieux chrétiens ailleurs dans le monde. L’enjeu est majeur, car la liberté religieuse est un volet de la liberté tout court.

Dans cette optique, ils pourraient plaider pour la réhabilitation de l’article 41 de la Charte des droits et libertés du Québec qui proclamait, avant d’être émasculé, que « les parents ou les personnes qui en tiennent lieu ont le droit d’exiger que, dans les établissements d’enseignement public, leurs enfants reçoivent un enseignement religieux ou moral conforme à leurs convictions, dans le cadre des programmes prévus par la loi ». [................]»

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